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Δικαιοσύνη > Case law > Menaces judiciaires sur l'essor de l'éolien terrestre en France

La Tribune13 mai 2012
par Dominique Pialot

Menaces judiciaires sur l'essor de l'éolien terrestre en France

Le procureur d'Argentan a ouvert une enquête préliminaire sur d'éventuelles "prises illégales d'intérêts" d'élus locaux lors de l'élaboration des zones de développement éolien (ZDE) dans le département de l'Orne. Si l'infraction était constatée, c'est tout le développement de l'éolien terrestre en France qui serait menacé. A l'origine de la plainte, deux associations.

Les temps sont durs pour l'éolien à terre. Dans de nombreuses régions, l'intrusion de ces moulins à vent modernes au beau milieu de paysages encore préservés suscite une opposition farouche, même s'il est rare qu'elle se traduise par des accusations passibles de poursuites pénales. C'est pourtant le cas dans l'Orne, où deux associations, la Brise des Fiefs et l'association de défense de l'environnement de la Région de Briouze et Rânes, accusent les élus de "prises illégales d'intérêts caractérisées" dans le cadre de l'élaboration des zones de développement éolien (ZDE).

Instaurées en 2005, elles sont créées par le préfet, sur proposition d'une ou plusieurs communes ou d'EPCI (établissement public de coopération intercommunale). Elles délimitent des périmètres de zones dédiées à l'éolien dont elles déterminent le potentiel. Il est possible d'obtenir un permis de construire pour des fermes éoliennes en dehors des ZDE et de vendre l'électricité produite sur le marché, mais seules les machines implantées en ZDE peuvent prétendre au tarif de rachat garanti 20 ans.

Ouverture d'une enquête préliminaire

Dans un courrier adressé au Préfet de l'Orne, au procureur de la République d'Argentan (Orne), au Premier ministre, aux ministères de l'environnement, de la Justice, de la Culture...les représentants de ces associations pointent "la participation à des délibérations municipales préalables à la constitution de ZDE, d'élus ayant des intérêts personnels ou familiaux dans les terrains concernés". Des terrains "sur lesquels des permis de construire seraient bientôt délivrés pour l'installation d'éoliennes".

Contacté par "latribune.fr", le procureur confirme avoir reçu ce courrier et nous informe de l'ouverture d'une enquête préliminaire visant à déterminer si les élus ayant participé aux délibérations ont tenté de les infléchir dans un sens qui leur est plus favorable. Dans cette optique, les procès-verbaux des délibérations doivent être examinés.

Selon l'issue de cette affaire, qui pourrait faire jurisprudence, c'est tout le développement de l'éolien dans le cadre réglementaire actuel qui pourrait se voir globalement compromis. Les opposants à la manœuvre dans l'Orne demandent l'annulation de toutes les ZDE pour lesquelles des élus propriétaires de terrains auraient participé aux délibérations préalables. Les éléments déclencheurs de cette plainte sont quasiment inhérents à la façon dont sont aujourd'hui constituées les ZDE.

Prouver l'intentionalité

Sur le plan purement administratif, la participation d'élus concernés par les terrains faisant l'objet de délibérations du Conseil municipal peut entraîner l'annulation de ces délibérations. Mais la prise illégale d'intérêts est un délit de nature pénale, dont la caractérisation fait débat, y compris parmi les avocats.

Principale pierre d'achoppement : la preuve de l'intentionnalité doit-elle ou non être apportée dans le cadre de participations d'élus à des délibérations concernant des terrains sur lesquels ils ont un intérêt ? Pour le procureur comme pour la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de l'Environnement, la réponse est clairement oui.

Lecture très large de la prise illégale d'intérêts

Pour Arnaud Gossement, avocat en environnement (cabinet Gossement-Enckell), "il faut démontrer la réalité d'un profit financier direct et certain". Or "la signature d'une ZDE ne garantit pas l'enrichissement". En effet, la ZDE délimite un périmètre au sein duquel les éoliennes, qui pourraient y être installées bénéficieraient du tarif de rachat garanti, mais elle n'entraîne aucune autorisation d'installation de ces éoliennes. Pour être validé, un projet doit non seulement être situé en ZDE, mais aussi obtenir un permis de construire et les autorisations propres aux installations classées pour l'environnement (ICPE). "En Allemagne, il suffit de répondre aux exigences de l'IPCE, ce qui se fait en neuf mois, observe Fabrice Cassin, avocat en environnement (cabinet CGR Legal). Un permis de construire est inadapté pour une machine qui tourne".

D'autres avocats ont une analyse différente. Pour Philippe Petit, avocat au barreau de Lyon, auteur de "La prise illégale d'intérêts et comment s'en prémunir" (Territorial Editions), "tous les délits sont intentionnels sauf si la loi le prévoit autrement". La responsabilité est donc constituée du seul fait d'un intérêt quelconque dans une affaire dans laquelle on détient une responsabilité administrative ou un mandat électif. Quand bien même la décision prise serait conforme à l'intérêt public, sans qu'il y ait d'enrichissement personnel. "La prise illégale d'intérêts fait l'objet d'une lecture très large, et le juge peut l'interpréter plus largement encore", affirme ainsi Philippe Petit.

Un cas de figure très répandu

Considérant que les élus (auxquels il conseille également de ne pas prendre part aux délibérations) se trouvent dans une véritable impasse en raison d'un texte trop extensif, Philippe Petit a déposé avec certains confrères un projet de loi visant à exiger du juge qu'il démontre l'intérêt personnel (et non plus quelconque) pour caractériser la prise illégale d'intérêts.

Seuls les terrains sur lesquels seront implantés des éoliennes donneront lieu au versement de redevances à leurs propriétaires. La pression sur les prix des terrains (fermages et baux) est également réelle depuis l'instauration des ZDE. C'est lié notamment à leur concentration et à leur taille restreinte. "La politique suivie depuis 2005 conduit inévitablement à une valorisation du patrimoine", observe ainsi Fabrice Cassin. Comme ses confrères, il conseille également aux élus, en amont des définitions de ZDE, "de ne pas prendre part aux délibérations afin d'éviter toute situation potentielle de prise illégales d'intérêts". Et d'en apporter la preuve par un courrier de désistement.

Le problème, c'est que de nombreuses ZDE pourraient probablement être attaquées sur des motifs similaires : elles sont majoritairement situées autour de communes rurales, dans lesquelles de nombreux élus sont aussi propriétaires fonciers. Ajoutons à cela qu'elles bénéficient rarement de services juridiques aptes à les avertir de ces risques. Ces temps-ci, les ZDE font aussi l'objet de nombreux recours en annulation devant le juge administratif, au motif que le principe de participation du public (à leur élaboration) n'aurait pas été respecté.

Rien de surprenant si ces "nids à contentieux" concentrent les critiques non seulement des anti mais aussi des pro-éoliens. Ces derniers comptent sur le nouveau gouvernement pour les supprimer. Les futurs schémas régionaux climat, air et énergie (SRCAE), qui définiront des zones favorables à l'éolien, doivent être arrêtés conjointement par les Conseils régionaux et les préfets de région, ce qui minimise le risque pour un élu de se trouver en position potentielle de prise illégale d'intérêts. Mais, alors que les SRCAE sont attendus d'ici à septembre, seules deux régions sur vingt-deux semblent aujourd'hui en bonne voie.

2012 se présente mal

Or la filière française tourne déjà au ralenti. Dans l'attente d'une décision du Conseil d'Etat, une menace d'annulation plane sur l'arrêté tarifaire en vigueur depuis 2008, suite à un recours déposé par la fédération d'associations anti-éolien "Vent de colère" au motif que l'arrêté n'a pas fait l'objet d'une notification officielle à la Commission européenne en tant qu'aide d'Etat.

Aussi, les professionnels s'attendent à une année 2012 encore plus mauvaise que 2011. Les capacités installées avaient alors atteint 875 MW, ils n'évoquent plus que 400 MW pour 2012. Les objectifs du Grenelle de l'Environnement (19.000 MW d'éolien terrestre en 2020) supposent au minimum 1.350 MW installés par an.

La Tribune | 13 mai 2012


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