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Justiz > Rechtsprechung > Justice : le droit à la tranquillité - Jugement : 10 éoliennes doivent être enlevées

Justice : le droit à la tranquillité

Jugement : 10 éoliennes doivent être enlevées

(voir : La justice ordonne la démolition de 10 éoliennes)

Le promoteur critique le jugement, et fait appel.

Fabienne Chapuis Hini, ancienne avocate à la Cour de Paris, lui répond :

« Dominique Darne, promoteur éolien, dit n'importe quoi au sujet de la démolition ordonnée des 10 éoliennes dans le Pas-de-Calais. En fait, il confond tout. Il y a effectivement l'article 480-13 du code de l'urbanisme qui prévoit que le juge civil ne peut ordonner la démolition lorsque le permis de construire n'a pas été annulé.

Mais nous ne sommes pas du tout sur ce fondement juridique, mais sur celui de l'article 1382 du Code civil sur la responsabilité civile ; les demandeurs se sont fondés sur la théorie des troubles anormaux du voisinage et n'ont pas attaqué le permis de construire. Tout trouble qui excède les inconvénients normaux du voisinage entraîne la responsabilité de celui qui le cause. A noter que le caractère anormal du trouble est apprécié souverainement par les juges du fond. La jurisprudence le définit habituellement comme celui qui "...dépasse un certain degré de nuisance au-delà duquel est franchie la capacité de résistance de l'homme et de son environnement".

La jurisprudence va très loin : en 2004, la Cour de cassation a reconnu que le fait de recevoir des balles de golf dans son jardin était un trouble anormal du voisinage qui devait cesser ; en 2005, le fait d'avoir un amoncellement de paille à côté de sa maison, compte tenu du risque d'incendie ; etc.

Force est de constater que cela s'applique particulièrement aux éoliennes.

La faute civile de l'auteur du trouble n'est même pas nécessaire puisque le fait générateur de la responsabilité n'est pas une faute, mais le trouble anormal causé. Ainsi, un exploitant d'usine, qui a reçu toutes les autorisations nécessaires pour son activité peut se voir poursuivi et condamné pour troubles anormaux du voisinage, donc sans qu'il ait commis de faute.

En effet, le code de l'environnement, article L 514-19, dispose qu'en matière d'installations classées (ce qui est le cas des éoliennes) l'autorisation ne saurait porter atteinte au droit des tiers ; en d'autres termes, on ne peut se réfugier derrière son autorisation pour soutenir que l'on ne cause aucune trouble.

Il y a actuellement un courant dans la doctrine qui voudrait limiter cette théorie pour ne retenir que le trouble illicite, donc pour limiter la responsabilité au trouble fautif, ce qui restreindrait considérablement son champ d’application. Mais pour l'instant, ils n'y sont pas parvenus, et cela m'étonnerait qu'ils y parviennent car cette notion de trouble anormal a connu une véritable extension ces dernières années. Dans un arrêt rendu le 9 décembre 1994, la CEDH dans l’affaire Lopez Ostra, a rattaché la théorie des troubles anormaux du voisinage au respect de la vie privée, qui est un droit fondamental. Il s’évince donc de cette décision un véritable droit à la tranquillité, bien sûr selon les circonstances de temps et de lieu, qui fait partie du droit fondamental au respect de la vie privée. C’est la raison pour laquelle les juges estiment devoir avant tout faire cesser le trouble, les droits fondamentaux n’étant pas monnayables.

Lorsque que le juge civil reconnaît le trouble anormal du voisinage, il dispose d'un pouvoir souverain pour choisir les modalités de la réparation : soit faire cesser le trouble sous astreinte et octroyer des dommages et intérêts en plus, soit n'octroyer que des dommages et intérêts ; il décide souverainement et s'il condamne à faire cesser le trouble, la démolition ou l'enlèvement est parfaitement possible ; il vaut d'ailleurs mieux dire enlèvement car démolition crée une confusion avec les démolitions ordonnées pour défaut de permis de construire ou violation du permis de construire.

Conclusion, la décision est parfaitement fondée et tous les arguments que l'on entend sur la violation du droit de propriété ou l'absence de faute sont totalement inopérants et surtout erronés. »


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